Quelle stratégie anti-inflammatoire adopter dans le cadre d’une inflammation de bas grade ?
En fonction de l’origine de l’inflammation, que les marqueurs biologiques sont susceptibles d’identifier, une stratégie anti inflammatoire sera mise en place :
- La première étape cruciale sera de réguler la dysbiose afin de restaurer une flore intestinale non inflammatoire. Le diététicien pourra recommander un plan alimentaire adapté afin de préconiser les aliments favorisant la croissance des bonnes bactéries. Oméga 3, Thé vert, Probiotiques peuvent être recommandés afin de favoriser ce rééquilibrage.
- Ensuite il est conseillé de rétablir la barrière intestinale : le traitement de l’hyperperméabilité intestinale est la condition préalable et impérative à toute prise en charge de l’inflammation de bas grade. En effet, la muqueuse intestinale est la barrière où notre système immunitaire déploie l’essentiel de ses défenses. Le rôle de l’Aloe Vera pour ses propriétés protectrices et stimulatrices de l’expression des protéines de jonction a été mise en évidence sur des modèles in vivo et in vitro [23].
- Viendra également la modification des facteurs environnementaux. En effet, la lutte contre l’inflammation de bas grade passe aussi par une modification des habitudes de vie : habitudes alimentaires saines, perte de poids, activité physique régulière, gestion du stress, abandon du tabac et de l’alcool.
- Parmi les habitudes de vie à ajuster, une attention particulière doit être apportée au régime alimentaire. L’aide d’un professionnel de santé de la nutrition est recommandée afin de trouver le plan alimentaire le plus adapté. Anti inflammatoire et équilibré, le régime doit réduire les sucres, les féculents, les farines blanches, les produits transformés et les mauvaises graisses pro-inflammatoires (acides gras transformés, huile de tournesol, maïs, soja, etc.). Voir “ Article : Conseils nutrition, les aliments à privilégier dans un plan alimentaire ”.
- Instaurer et maintenir un équilibre de la balance oméga 6/oméga 3 sera tout aussi important. Il est désormais acquis que l’excès d’apports en oméga 6 et le déséquilibre de la balance oméga 6/oméga 3, caractéristiques de l’évolution de notre alimentation, sont des facteurs d’inflammation chronique. La supplémentation des apports en acides gras oméga 3 à longue chaîne sous une forme biodisponible (triglycérides) est fondamentale au même titre que la restauration de la barrière intestinale pour combattre la chronicité de l’inflammation.
- Prise en charge par les phytonutriments ou nutriments alimentaires ayant des effets anti-inflammatoires : plusieurs composés bioactifs ont des effets inhibiteurs sur les différents mécanismes de l’inflammation chronique:
- Les fucoïdanes, inhibiteurs des kinases. Ce sont des polysaccharides sulfatés d’origine marine présents dans les algues (principalement Fucus vesiculosus). Ils inhibent l’activation du NF-κB et répriment les activités des protéines-kinases ERK, JNK (c-jun terminal kinase), P38 MAP kinase, et AKT [24]. Une publication montre l’effet anti-inflammatoire des fucoïdanes sur les adipocytes [25] suggérant un mécanisme protecteur contre l’inflammation de bas grade dans l’athérosclérose de personnes en surpoids.
- Les polyphénols du gingembre, inhibiteurs de COX2, de 5-LOX, des kinases et de NF-kB. chez l’adulte obèse et chez le diabétique de type 2, l’inflammation de bas grade est significativement diminuée (réduction des taux plasmatiques de TNF-α, de CRP ultrasensible et d’IL-6) après 3 mois de supplémentation [26] [27] [28].
- Le resvératrol, que l’on retrouve dans les aliments tels que le raisin, la canneberge ou encore le vin. Il agit sur la cascade des kinases et sur l’inflammasome en bloquant les kinases génératrices de NF-κB et inhibant l’étape d’activation de l’inflammasome NLRP3 et la sécrétion de l’IL-1β qui lui est associée [29] [30] [31]. Chez des patients hypertendus ou diabétiques de type 2 en situation d’inflammation chronique, un an de supplémentation se traduit aussi par l’amélioration des marqueurs de l’inflammation [32] [33].
- L’eugénol et l’iso-eugénol, inhibiteurs des MAPKs et de NF-kB. Ce sont des composés du clou de girofle, antioxydant et anti inflammatoires. Dans un modèle animal leur rôle dans l’inhibition de la cascade des MAPKs et la productions de NF-kB a été démontrée [34];
- Zinc et Sélénium, oligoéléments. Le Sélénium joue un rôle critique dans la réponse immunitaire. Sous la forme de sélénoprotéines, il permet de modérer les mécanismes qui conduisent à l' inflammation et aux maladies auto-immunes [35]. Sur un principe équivalent, le Zinc, nutriment essentiel du métabolisme, permet de modérer la réponse immunitaire, et une carence aboutit à une augmentation de la synthèse d’interleukine 6 contribuant à l’apparition d’inflammations chroniques [36]. Une supplémentation en Zinc permet d’inhiber le NF-kB et de réduire les taux de cytokines pro inflammatoires avec un bénéfice pour les maladies d' inflammation chronique [37]. Elle permet aussi de réduire de plus de 66% l’incidence d’infections pour les personnes âgées [38].
- Curcumine, est le curcuminoïde principal du curcuma. De nombreuses études démontrent son rôle d’inhibiteur puissant de l’inflammation et en particulier de l’inflammation associée à l’obésité et de ses maladies associées [39]. La curcumine interagit avec plusieurs protéines cellulaires des adipocytes et induit l’inhibition de facteur de transcription tel que le NF-kB, Stat-3. Elle réduit aussi la synthèse des cytokines, des resistines et de la leptine [40] [41]. Enfin, la curcumine permet aussi d’améliorer la prise en charge du diabète de type 2 [42].
- Les Oméga 3, notamment EPA et DHA présents dans les huiles de poissons et poissons gras, ont montré une activité anti inflammatoire en réduisant significativement la synthèse des médiateurs inflammatoires et un effet très positif sur l’obésité et le diabète de type 2 [43].
- Vitamine D a des fonctions essentielles dans la régulation de l’inflammation. La vitamine D active la sécrétion de cytokines anti-inflammatoires (IL-10, C-peptides), inhibe la sécrétion des cytokine pro-inflammatoires (TNF-alpha, CRP, IL-1,6,8, Cox2…), inhibe la sécrétion du MCP-a responsable du recrutement des macrophages et monocytes au niveau du tissus adipeux [44] [45].
On retrouve la vitamine D dans l’alimentation (dans les abats, les poissons gras et les œufs par exemple) et via l’exposition au soleil. Cependant il est difficile de couvrir tous les besoins en vitamine D, surtout quand on avance dans l’âge. Une supplémentation cible peut être alors nécessaire.
- Coenzyme Q10, antioxydant liposoluble puissant et essentiel des cellules a en plus un rôle de médiateur de l’expression de gènes, notamment ceux impliqués dans l’inflammation [46].
- Magnésium, nutriment essentiel au maintien de fonctions physiologiques vitales. Dans l’inflammation, le magnésium a un rôle protecteur en limitant l’accumulation des tissus adipeux, il améliore le métabolisme du glucose et de l’insuline et modère la réaction inflammatoire [47]. On retrouve le magnésium principalement dans le cacao, les oléagineux (fruits à coque et graines), les céréales complètes, les fruits de mer et les poissons gras.
Focus sur l’impact d’une carence en magnésium sur l’inflammation
Figure 4 : influence du magnésium sur l’inflammation dont résulte le syndrome métabolique [47]
7) Conclusion
Une stratégie de perte de poids et de réduction des risques d'obésité doit être adaptée à chaque personne en fonction de son mode de vie, de ses antécédents ou facteurs déclencheurs. D’ailleurs, sans une correction de ces paramètres, il sera impossible d’obtenir des résultats durables. De même que le changement durable des habitudes alimentaires et la mise en place d’une alimentation anti-inflammatoire et antioxydante est indispensable. Cependant, il est important d’intégrer la prise en charge de l’inflammation de bas grade. Elle passe par une approche holistique et personnalisée au patient intégrant la nutrition et s’appuyant sur la mesure des biomarqueurs de l’inflammation. Une complémentation apportant ces composés bioactifs anti-inflammatoires peut s'avérer très efficace si rigoureusement suivie par le patient et encadrée par son professionnel de santé.
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Références bibliographiques
[23] The Role of Processed Aloe vera Gel in Intestinal Tight Junction: An In Vivo and In Vitro Study; Thu Han Le Phan, Se Yong Park, Hyun Jin Jung, Min Woo Kim, Eunae Cho, Kyu-Suk Shim, Eunju Shin, Jin-Ha Yoon, Han-Joo Maeng, Ju-Hee Kang, Seung Hyun Oh; 2021 Jun 17; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34204534/
[24] Anti-inflammatory effects of fucoidan through inhibition of NF-κB, MAPK and Akt activation in lipopolysaccharide-induced BV2 microglia cells; Hye Young Park 1, Min Ho Han, Cheol Park, Cheng-Yun Jin, Gi-Young Kim, Il-Whan Choi, Nam Deuk Kim, Taek-Jeong Nam, Taeg Kyu Kwon, Yung Hyun Choi; 2011 Aug; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21570441/
[25] Fucoidan, a sulfated polysaccharide, inhibits adipogenesis through the mitogen-activated protein kinase pathway in 3T3-L1 preadipocytes; Kui-Jin Kim 1, Ok-Hwan Lee, Boo-Yong Lee
2010 May 22; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20346961/
[26] Obesity-related cardiovascular risk factors after long- term resistance training and ginger supplementation; Sirvan Atashak, Maghsoud Peeri, Mohammad Ali Azarbayjani, Stephen Robert Stannard, Marjan Mosalman Haghighi; 2011 Dec 1; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24149559/
[27] Effect of ginger (Zingiber officinale) on inflammatory markers: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials; Mojgan Morvaridzadeh, Siavash Fazelian, Shahram Agah, Maryam Khazdouz, Mehran Rahimlou, Fahimeh Agh, Eric Potter, Shilan Heshmati, Javad Heshmati; 2020 Nov; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32763761/
[28] The effects of ginger and its constituents in the prevention of metabolic syndrome: A review; Sanaz Salaramoli, Soghra Mehri, Fatemeh Yarmohammadi, Seyed Isaac Hashemy, Hossein Hosseinzadeh; 2022 Jun; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35949312/
[29] Resveratrol post-transcriptionally regulates pro-inflammatory gene expression via regulation of KSRP RNA binding activity; Franziska Bollmann, Julia Art, Jenny Henke, Katharina Schrick, Verena Besche, Matthias Bros , Huige Li , 2014 Nov 10; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25352548/
[30] Resveratrol inhibits NLRP3 inflammasome activation by preserving mitochondrial integrity and augmenting autophagy; Ya-Ping Chang, Shuk-Man Ka, Wan-Han Hsu, Ann Chen, Louis Kuoping Chao, Chai-Ching Lin, Cho-Chen Hsieh, Ming-Cheng Chen, Huan-Wen Chiu, Chen-Lung Ho, Yi-Chich Chiu, May-Lan Liu, Kuo-Feng Hua; 2015 Jul; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25535911/
[31] Resveratrol inhibits NF-kB signaling through suppression of p65 and IkappaB kinase activities; Zhenghua Ren 1, Lei Wang, Jianhua Cui, Zeren Huoc, Jinru Xue, Hao Cui, Qiqi Mao, Rirong Yang; 2013 Aug; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24020126/
[32] An anti inflammatory and reactive oxygen species suppressive effects of an extract of Polygonum cuspidatum containing resveratrol; Husam Ghanim, Chang Ling Sia, Sanaa Abuaysheh, Kelly Korzeniewski, Priyanka Patnaik, Anuritha Marumganti, Ajay Chaudhuri, Paresh Dandona; 2010 Jun 9; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20534755/
[33] One-year supplementation with a grape extract containing resveratrol modulates inflammatory-related microRNAs and cytokines expression in peripheral blood mononuclear cells of type 2 diabetes and hypertensive patients with coronary artery disease; João Tomé-Carneiro 1, Mar Larrosa, María J Yáñez-Gascón, Alberto Dávalos, Judit Gil-Zamorano, Manuel Gonzálvez, Francisco J García-Almagro, José A Ruiz Ros, Francisco A Tomás-Barberán, Juan Carlos Espín, María-Teresa García-Conesa; 2013 Apr 1; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23557933/
[34] Eugenolol and glyceryl-isoeugenol suppress LPS-induced iNOS expression by down-regulating NF-kappaB AND AP-1 through inhibition of MAPKS and AKT/IkappaBalpha signaling pathways in macrophages; J L Yeh 1, J H Hsu, Y S Hong, J R Wu, J C Liang, B N Wu, I J Chen, S F Liou; 2011 Apr-Jun; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21658309/
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